... quand elle rentrait le soir, après son travail, de temps en temps, elle lui téléphonait. Elle était accueillie par un doux et souriant "Bonjour ma fille". Elles parlaient de tout et de rien. Cela durait plus ou moins longtemps. Elle raccrochait heureuse de ce bavardage avec sa mère, rassurée, apaisée comme une petite fille lovée dans l'amour maternel.
Ces deux dernières années, ce n'était plus pareil. Les appels étaient source de soucis, voir d'angoisse. Elle appelait pour savoir si sa mère était bien chez elle, à l'abri. Les conversations étaient de plus en plus difficile, il lui fallait rassurer sa mère qui s'angoissait pour un rien, qui voyait des voleurs, des enfants méchants dans sa maison. Plusieurs fois elle est partie en urgence consoler sa mère en pleurs, lui retrouver ses clés cachées dans des endroits improbables, lui retrouver son porte-monnaie soi-disant volé, ou ses papiers d'identité volés eux aussi. Le samedi elles allaient ensemble faire des courses. Sa mère ne savait plus utiliser sa carte bancaire. Elle se débrouillait avec les billets, mais ramener ses courses chez elle seule, ce n'était plus raisonnable.
Cela devenait difficile. Et puis il y eu la chute sur un trottoir un vendredi matin et l'hospitalisation. Et sa mère n'est jamais rentrée chez elle.
La confusion dans le tête de sa mère est de plus en plus grande. Les conversations sont des monologues de sa mère, et son acquiescement à elle, même si elle n'a pas compris ce que sa mère voulait dire. De son côté elle essaye de raconter à sa mère des choses simples pour la ramener dans une réalité : le temps qu'il fait, un oiseau, une voiture... des choses très très simple.
Hier elle a apporté une cuvette, des serviettes de toilette, de l'huile essentielle de lavande, des ciseaux à ongles. Elle a lavé les pieds de sa mère et lui a fait une petite pédicure. A l'hôpital les aides-soignantes ne coupent pas les ongles de pieds. Sa mère lui avait demandé de le faire. Elle est encore capable d'exprimer des besoins de ce genre.
Elle est devenue la mère de sa mère. La prend par la main quand elles marchent ensemble pour à la fois la guider et la soutenir, l'aide à enfiler un gilet, lui coupe sa viande, lui rappelme ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Parfois sa mère se rebelle. Parfois elle se résigne. Parfois elle est contente.
Elle se sent orpheline. Elle voudrait pouvoir encore le soir, après le travail , quand elle est un peu lasse, pouvoir téléphoner à sa mère, se sentir accueillie, aimée, réconfortée par un petit bavardage. C'est un manque, un vide... C'est un passage difficile.
Oh Suzame, je me sens orpheline moi aussi. Ce matin, ma mère ne parlait plus que par monosyllabes incompréhensibles.
RépondreSupprimerJe comprends ce sentiment...accepter l'irréversibilité.Accepter l'impermanence... Et toi, en plus, tu as le départ de ta fille...
Heureusement, il reste ...les amies...
je t'embrasse affectueusement
¸¸.•*¨*• ☆
Oui, Suzame, je comprends tout à fait ce que tu peux ressentir, parce que je l'ai vécu avec ma mère. Devenir la mère de sa mère, ce n'est pas évident. Mais ce qui me consolait, c'est qu'elle était toujours très heureuse de me voir arriver, de me voir. Peu importe si elle me prenait pour sa mère ou pour sa soeur, car cela arrivait aussi, car nous partagions un moment agréable ensemble. Mais ce n'était pas facile tous les jours, non, car nous devons faire le deuil de cette relation si privilégiée d'une mère avec sa fille.
RépondreSupprimerJe te souhaite beaucoup de courage, Suzame, ainsi qu'à Célestine. Je vous embrasse très fort toutes les deux.
Célestine, Françoise
RépondreSupprimerTout simplement merci.