Pour la première fois de sa vie ma Maman n'ira pas voter aujourd'hui.
Du plus profond de mes souvenirs ma Maman a toujours voté, a assuré des permanences au bureau de vote, a participé au dépouillement des bulletins.
Bien sûr ces dernières années il n'était plus question de permanences au bureau de vote ni de dépouillement, mais voter oui. Ma soeur, qui habite la même commune, l'accompagnait.
Ca me fait mal au coeur.
Je connais bien ma Maman, je sais pour qui elle aurait voté... Je sais... Elle me l'a montré la semaine dernière.
A chaque fois que je vais la voir, je "lis" le journal avec elle, je lui fais lires les gros titres (si elle a envie), je lui commente les photos.
Et justement il y avait trois photos côte à côte de candidats. Je lui ai dit "Ces trois là, ils veulent être Président de la République, je ne sais pas qui va gagner". Elle a regardé avec attention et a pointé son doigt sur l'un des trois et m'a dit : "Celui-là. Il a une bonne tête"...
Et celui qui avait une bonne tête, et bien je suis certaine que c'est celui qui l'aurait convaincu si elle avait pu prendre connaissance en toute lucidité de ses propositions électorales.
Je ne sais pas ce qui s'est passé dans le cerveau déconnecté de ma Maman à ce moment là, mais cela m'a plu et m'a fait sourire. Malgré son cerveau qui commence à "geler", ma Maman a encore de l'authenticité de ce qu'elle était avant.
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Il faut que je vous dise qu'après un séjour d'un mois dans un Ehpad qui ne fait que de l'hébergement temporaire, mon frère et moi avons "installée" notre Maman jeudi dernier dans un Ehpad pour un hébergement "définitif" dans une "unité de vie protégée".
Une situation difficile qui m'a mise dans un chagrin très profond et qui m'a fait reprendre le chemin vers "ma" psychothérapeute... qui m'a dit "Vous avez le droit de pleurer, il faut que le chagrin sorte".
Je retourne la voir dans un mois.
J'espère que d'ici un mois j'aurai retrouvé un peu d'insouciance...
C'est un travail de deuil d'une personne vivante mais qui n'est plus tout à fait présente.
C'est ne pas se sentir coupable de confier une personne aimée à d'autres.
C'est accepter son impuissance.
C'est guérir la petite fille qui ne peut plus aller se réfugier auprès de sa Maman les jours gris.
C'est tant de choses difficiles...